vendredi 23 mars 2018

"Le Mal a besoin d'un domicile"



"Bien sûr, la clef de cette conversion n'est pas abandonnée quelque part dans le vortex du roman, elle est le roman, elle est le vortex, c'est par elle que le livre s'écoule et nous entraîne dans les bas-fonds -pas de rédemption sans Chute-, à l'intérieur des abominables cachots de la polis, forces de l'ordre et scélérats confondus, double face de la même organisation criminelle. Et c'est pourquoi le mot villa requiert toute notre attention. C'est chez nous que ça se passe, Villa Vortex, au cœur des gens, dans les fondations de notre société, la cave de notre propre maison.
(...)
Le Mal a besoin d'un domicile. C'est Barbe-Bleue qui établit la mode pérenne du diable assigné à résidence, ne décorant son salon de chairs fraîches que pour le remanier en chambre mortuaire, et ne s'absentant de chez lui que pour s'en aller trouver en mondain de quoi réapprovisionner ses stocks de corps de femmes dans le cellier souterrain."

"-C'est vrai que la Bible est avant tout de la poésie -donc une création créatrice de créateurs, c'est du faire à l'état pur, si l'on suit son étymologie grecque. (...)
- En somme, la Bible n'est pas terminée, ..."

(Aurélien Lemant, "Messe rouge", éditions Les Feux Follets, P.27-28)

                                               *****

Enfer

Dans la maisonnette toute fleurie,
Dans le doux cocon où tous unis
Par les liens familiaux les plus forts
Les liens du sang, plus forts que la mort,

L’enfer construit sa demeure, tisse sa toile
Jour après jour, la tension infernale,
Nous suce tous, jusqu’à la moelle,
Et dans nos cœurs, et dans nos corps, dans nos esprits
s’installe,

Les liens du sang, chair royale,
Nourrissent l’hôte parasite,
Le combat n’est pas loyal,

Dans la maisonnette toute fleurie,
Dans le doux cocon où tous réunis,
Tous déjà morts, chair empuantie,
Le démon se repaît de nos âmes, de nos corps, de nos esprits. 

Dans la maisonnette toute fleurie,
Les enfants dansent, jouent et rient,
Les parents travaillent et se plient
A tous leurs devoirs et leurs soucis.

Les enfants ? les parents ? Leurs esprits ?
Exsangues, vidés, des sépulcres blanchis !

                                                                *****

"Le médiocre est un piège du démon. La médiocrité est trop compliquée pour nous, c'est l'affaire de Dieu. En attendant, le médiocre devrait trouver un abri dans notre ombre, sous nos ailes. Un abri, au chaud -ils ont besoin de chaleur, pauvres diables!"
(...)
Le monde du péché fait face au monde de la grâce ainsi que l'image reflétée d'un paysage, au bord d'une eau noire et profonde. Il y a une communion des saints, il y a aussi une communion des pécheurs. Dans la haine que les pécheurs se portent les uns aux autres, dans le mépris, ils s'unissent, ils s'embrassent, ils s'agrègent, ils se confondent, ils ne seront plus un jour, aux yeux de l'Eternel, que ce lac de boue toujours gluant sur quoi passe et repasse vainement l'immense marée de l'amour divin, la mer de flammes vivantes et rugissantes qui a fécondé le chaos."

(Bernanos, "Journal d'un curé de campagne").

A propos de la série True detective, saison 1 : 

"à mon sens, le matérialisme du détective existe dans le sens où pendant toute la série il cherche à s'en convaincre lui-même; et les faits, et la vie lui donnent raison pratiquement tout le temps. Rien de spirituel dans ce bas monde, bien au contraire! et oui, il cherche avec ses longs monologues à le démontrer...Et pourtant, à la fin, dans son affrontement final contre le mal représenté par cet horrible tueur en série au cœur de ce monde de plus en plus sombre au fur et à mesure que la vérité se fait jour (ou plutôt "ténèbre" en l’occurrence), alors qu'il est au sens propre comme au sens figuré au fond du trou, la lumière, par sa vision du ciel, se dévoile. Qu'est-ce qu'il trouve au cœur du mal finalement? L'amour, la présence de sa fille disparue qu'il n'a cessé de chercher, au fond, dans son enquête pour tous ces autres enfants disparus. Je trouve cela très beau d'un point de vue mystique et théologique. Et magistralement représenté. Et si c'est d'une simplicité biblique ou "infantile", ça me va."

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